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Le carnet de Robin – Episode 2

Chères lectrices, chers lecteurs,

Cela fait maintenant plus d’un mois que je me suis installé à Zapatoca. Si certains qui ne me connaissent pas me disent encore dans la rue « Holà Gringo ! » (« Salut l’américain ! »), je commence tout de même à m’être bien intégré dans la communauté locale. Différents projets de la coopération ont bien avancé et j’ai commencé à donner des cours de français à une cinquantaine d’élèves.

Pour ce deuxième carnet de bord, je vous propose de vous emmener à la campagne, dans une école un peu spéciale de Zapatoca qui ne manque pas de charme.

 

El colegio de Las Puentes

El colegio de Las Puentes est une école réunissant environ 80 élèves des alentours de la ville. Les parents des enfants travaillent pour la plupart dans des fermes. Ils viennent tous de familles très humbles, certains marchent plus de deux heures pour venir à l’école et ils ne peuvent pas toujours s’y rendre car les familles déménagent de fermes en fermes pour trouver du travail. Cette école propose des classes jusqu’au « noveno », deux années avant le baccalauréat. Les élèves doivent ensuite aller étudier au village ou suivre des cours à distance. Certains ne peuvent pas et arrêtent l’école.

Ce colegio est un peu spécial car les élèves peuvent apprendre à y cultiver le café. Cela fait une quinzaine d’année que Las Puentes reçoit une subvention de la part du Comité de cafeteros du département pour travailler sur tout le processus de la production de café. L’objectif de ce programme est d’offrir une formation technique aux élèves mais aussi transmettre directement des connaissances à leurs familles, les petits producteurs manquent en effet souvent d’information sur le système de production et de commercialisation de leurs produits.

Tous les mercredis matin, le secondaire (une quarantaine d’élèves de 11 à 15 ans) travaille avec deux professeurs sur la culture du café. Les cours sont variés et coïncident avec presque toutes les matières du programme scolaire. Les écoliers étudient la plante et ses maladies, expérimentent des techniques pour augmenter la production, produisent des maquettes de machines, calculent les quantités de production et cultivent directement le café.

Ils m’ont emmené voir les différentes étapes de leur production. Tout d’abord, ils font germer les graines dans un grand bac de sable qui a été préalablement lavé à l’eau chaude pour éliminer les bactéries. Ensuite, ils préparent la chapola, un mélange de terre et de compost qu’ils compressent dans des sacs pour planter les semis. Pendant de nombreuses semaines, les semis sont soignés à la main avant d’être mis en terre. Selon la qualité du sol, de l’humidité et du soleil ils poussent ensuite à des vitesses variables.

 

Le bac où germent les semis
La chapola où vont pousser les plants

Ils étudient les méthodes pour améliorer la production des plants de café. La région de Zapatoca est une région trop ensoleillée pour ces derniers, l’ombrage de la plante est donc un fin réglage à réaliser. Depuis mon arrivée, je n’ai d’ailleurs vu que des champs à l’ombre de grands arbres. Les professeurs me racontaient que le terrain que leur prête la mairie est aussi trop humide. Les élèves entretiennent donc des tranchées pour que l’eau des pluies s’évacue au mieux, et ils ont planté des pins pour absorber l’humidité ambiante.

Dans les Andes colombiennes, les saisons n’existent presque pas, l’année est rythmée par des mois plus secs ou plus humides que d’autres et les plantes donnent des fruits presque tout au long de l’année. Le café ne produit cependant ses fruits qu’au mois de novembre et de décembre, ils arrivent à maturité après les pluies du mois d’octobre. On reconnait le fruit mûr à sa couleur rouge foncée.

 

Une fois récolté, le café passe rapidement par la decerezadora pour lui enlever sa « cerise ». Cette machine ressemble à une rape à fromage rotative géante. Nous jetons le fruit dans l’entonnoir du haut et en faisant tourner la rape à l’intérieur, la coque rouge du fruit est arrachée et emportée à l’arrière tandis que les grains de café se glissent à l’avant. La decerezadora sépare ces deux parties du fruit de manière presque parfaite ! Le collège ne produit pas d’assez grandes quantités de café pour investir dans une plus grosse machine motorisée, ils la font donc tourner à la force du bras. Après avoir bien ri de me voir suer pour la faire tourner une minute, les adolescents me lancèrent « nous n’avons pas besoin de cours de sport après ça ! »

 

La decerezadora du colegio
Une Decerezadora motorisée dans une ferme

Le café sort de sa cereza (cerise) entouré d’un liquide gluant, la « bave » (qui porte bien son nom si vous souhaitez vous imaginer sa consistance). On laisse le grain fermenter entre 12 et 18h dans sa bave puis on le nettoie dans l’eau. Les élèves étudient différentes techniques pour économiser l’eau durant cette étape, les techniques traditionnelles en demandent beaucoup. Laver le grain permet aussi de trier les bons grains des mauvais. Ceux qui se sont mal développés ou se sont faits manger par des insectes, flottent, tandis que le bon grain reste au fond de l’eau. Les mauvais grains connaitront tout de même les étapes suivantes de la production, le café sera simplement vendu à un prix bien plus bas. C’est souvent ce café-ci que consomment les colombiens, plus de 90% de la production nationale étant destinée à l’exportation.

 

Le café tout juste sorti de la decerezadora

Une fois le café lavé, il est séché au soleil quelques jours (les routes forment d’excellents séchoirs, si vous conduisez sur des routes de campagnes colombiennes vous aurez sans doute l’occasion de slalomer entre de grandes nappes où repose le café). Il prend alors une teinte grisâtre, c’est celle de la coquille, une fine pellicule qui entoure le grain. Le collège arrête alors sa production ici et confie la suite à deux parents propriétaires de fermes de café. La suite du processus demande d’investir dans de grosses machines qui ne seraient pas rentables pour les 100 kg annuels que produisent les élèves. Pour enlever la coquille, il faut écraser le grain puis le passer dans une soufflerie. Il ne restera à la fin que le grain consommable. Ce dernier est toasté et passe d’une couleur verdâtre à la couleur brune ou noire que nous lui connaissons tous. Il ne reste plus qu’à le moudre pour être consommé ! Pour en apprécier au mieux la saveur, il est conseillé de le moudre juste avant de le consommer. Ensuite, pour faire ressortir au mieux l’arôme, il faut faire chauffer l’eau avec le grain moulu dans la casserole puis le laisser décanter.

 

Le café sèche
Le grain et sa coquille

Voilà ! J’espère vous avoir enseigné quelques éléments sur l’agriculture de café et que vous penserez à sa « bave » demain matin en attendant que votre cafetière chauffe.

Le collège a une très petite production mais avec l’aide de quelques parents, ils ont commencé à la commercialiser. J’ai trouvé dommage que les élèves ne puissent pas s’occuper de ces étapes finales afin de maitriser toute la chaîne de production mais les moyens ne le permettent pas.
Les quelques revenus tirés de la vente ont été réinvestis dans l’école. Le toit de la cantine a été refait, on a acheté des filets pour les cages de foot, du matériel pour entretenir les chemins. Les travaux ont été réalisés par les élèves car les ressources financières sont très faibles. Les professeurs doivent chaque année aller défendre le budget de l’école auprès des instances publiques et ils ont décidé que le colegio offrirait une collation par jour à chaque élève. Ils sont nombreux à sauter des repas à la maison.

A la sonnerie, tous les élèves rangent leurs affaires, puis la salle de classe. Quelques grands sortent des balais et des bidons pour faire le ménage, des plus petits les suivent méthodiquement avec leur serpillère. Dehors, quelques parents attendent devant le portail. Deux jeunes filles courent après un grand les ayant arrosées, les plus petits font des concours de saut sur la balançoire. Nous sommes mercredi, il est 13h30, le colegio de las Puentes se vide peu à peu. Une adolescente de 13 ans monte sur sa moto, soulève un petit frère et le place devant elle tandis qu’une petite voisine se hisse derrière elle. Six garçons partent sur quatre vélos, trois jeunes filles se serrent à l’ombre d’un arbre en attendant un parent. Une grande sœur crie à son frère de se dépêcher, il s’est attardé pour tirer un dernier penalty.

Une école un peu spéciale, une école un peu comme toutes les autres aussi.

A bientôt !

 

El colegio de Las Puentes
Le paquet de café final

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